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Pour une culture partagée
de l’intégrité scientifique

Prises de parole des chercheuses et des chercheurs dans l’espace public

Prises de parole des chercheuses et des chercheurs dans l’espace public

L’édition 2022 du colloque de l’Ofis était consacrée aux pratiques en matière de prises de parole des scientifiques et à l’élaboration de principes partagés par les communautés de recherche.

La pandémie de Covid‐19 a fortement accentué la visibilité publique des chercheurs. Elle a aussi intensifié les questionnements sur les bonnes pratiques en matière de prises de parole, amenant des institutions scientifiques à s’exprimer sur le sujet et à adopter des chartes d’expression publique. De fait, les questions d’intégrité scientifique ne s’arrêtent pas aux portes des laboratoires, mais concernent l’ensemble des dimensions du métier de chercheur, dont la communication en direction du public.

Dans le cadre de sa mission nationale d’animation et de prospective, l’OFIS a exploré, lors de cette édition 2022 de son colloque bi-annuel, les divers enjeux soulevés du point de vue de l’intégrité scientifique par la parole scientifique dans l’espace public, afin d’établir l’état des pratiques et d’éclairer l’élaboration par les communautés scientifiques de principes partagés en la matière.

Quatre axes ont principalement orienté les échanges. Le premier visait à explorer d’éventuelles tensions entre intégrité scientifique, liberté académique et liberté d’expression (en quoi ces libertés se distinguent‐elles ? peuvent‐elle s’entre‐ limiter ?).

Le deuxième s’est consacré à l’analyse des différentes formes de prises de parole dans les médias et les enjeux spécifiques qu’elles soulèvent (par exemple, quelles formes d’autorégulation associables à chaque espace d’intervention).

Le troisième a abordé les moyens d’évaluer l’impact des réseaux sociaux sur l’expression des chercheurs, en particulier les phénomènes d’autocensure, et sur le cours des controverses scientifiques.

Enfin, le quatrième axe visait à interroger les modes d’articulation entre l’expression publique d’une institution et les prises de parole individuelles de ses chercheurs (doit‐il exister un « devoir de réserve » de la part d’une institution ? Au nom de qui ou de quoi un chercheur peut‐il parler ? etc).

Plus de 200 personnes ont assisté à cette journée qui s’est déroulée à l’amphithéâtre Marguerite de Navarre au Collège de France.

Comité scientifique du colloque

Raja Chatila (Collège de déontologie du MESRI), Michel Dubois (CNRS), Ghislaine Filliatreau (Référente à l’intégrité scientifique Inserm), Hélène Le Meur (OFIS), Olivier Le Gall (Président du CoFIS), Michèle Leduc (CoFIS), Catherine Guaspare-Cartron (CNRS), Charles Girard (Université Lyon 3), Christine Noiville (Présidente du COMETS), Stéphanie Ruphy (directrice de l’Ofis), Yves Sciama (AJSPI : Association des journalistes scientifiques de la presse d’information).

Le programme de la journée : 

Session 1 : La parole publique des scientifiques, entre liberté d’expression et liberté académique

La parole des scientifiques est régie tantôt par la liberté d’expression, dont ils disposent en tant que citoyens pouvant exprimer leurs opinions propres, et par la liberté académique, dont ils jouissent en raison de la fonction spécifique qui est la leur. La liberté académique, qui inclut la liberté de l’enseignement et la liberté de la recherche, se distingue de la liberté d’expression en ce qu’elle est une condition nécessaire de leur activité professionnelle : son sens et ses limites sont fixées, comme les responsabilités qui l’accompagnent, par les exigences du travail scientifique. Le partage entre ces deux libertés est parfois ramené à l’écart séparant une parole dans les murs de l’université et une parole hors des murs. Mais cette démarcation devient plus complexe lorsqu’ils s’expriment, en tant que scientifiques, dans l’espace public. Comment déterminer si une prise de parole relève de la liberté d’expression ou de la liberté académique ? Dans quelle mesure les attentes liées à l’intégrité scientifique peuvent-elles s’étendre aux interventions publiques des scientifiques ? Leur parole peut-elle y être régie par des principes régulateurs sans que l’une ou l’autre de ces libertés se trouve menacée ? Quels seraient ces principes ?

Président de séance : Charles Girard, maître de conférences en philosophie à l’université Jean Moulin, Lyon 3

  • Adrienne Stone, professeure de droit à l’Université de Melbourne: « The Professor, the Public Intellectual and the Activist:  The Nature and Limits of Academic Freedom » 
  • Olivier Beaud, professeur de droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas : « Pour un usage raisonné et raisonnable de la liberté académique ; le cas de la parole publique des scientifiques« 
  • Yves Gingras, professeur d’histoire et de sociologie des sciences à l’Université du Québec à Montréal (UQAM): « La liberté universitaire : Droits, responsabilités et risques de la prise de parole« 

Session 2 : La parole scientifique dans les médias, en particulier les médias sociaux

L’engagement public des scientifiques repose en grande partie sur leur présence dans les médias traditionnels et numériques. Rendre la science publique c’est être capable d’en communiquer les avancées non seulement vers ses pairs mais aussi vers un public que l’on sait le plus souvent intéressé par la science, mais pas nécessairement familier de son langage et de ses méthodes. On observe par ailleurs qu’un nombre croissant de scientifiques font un usage régulier des réseaux sociaux. Pour autant quels sont les effets de la médiatisation de la science ? Qui sont les nouveaux médiateurs de l’information scientifique ? Qu’est-ce qui différencie un journaliste scientifique d’un journaliste généraliste, et comment doit-il s’assurer de la qualité de l’information transmise au public ? Les scientifiques sont-ils compétents pour communiquer dans les médias ? Doivent-ils répondre aux sollicitations des journalistes ou investir une partie de leur temps sur les réseaux sociaux pour veiller à la qualité de l’information scientifique ? La crise de la Covid-19 a-t-elle modifié les pratiques de communication scientifique ? Existe-t-il une forme de communication scientifique responsable ?

Président de séance : Michel Dubois, directeur de recherche au CNRS

  • Dominique Costagliola, directrice de recherche en épidémiologie et biostatistique à l’Inserm: « Communication scientifique, médias et réseaux sociaux pendant la crise COVID-19 : le vécu d’un chercheur« 
  • Victor Garcia, journaliste à L’Express: « Vue d’un journaliste, rôle informationnel et dérives des prises de parole des scientifiques sur les réseaux sociaux« 
  • Nathan Peiffer-Smadja, chef de clinique, infectiologue à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris: « Information médicale sur les réseaux sociaux : une épée à double tranchant ?« 

Session 3 : Quelle articulation entre parole institutionnelle et parole individuelle ?

Si la question de l’articulation entre parole institutionnelle et parole individuelle dans l’espace public n’est pas nouvelle, elle s’est probablement complexifiée au cours des dernières années. Jusqu’ici, l’institution communiquait essentiellement sur « sa » recherche par le biais de professionnels (communicants, journalistes) utilisant des canaux d’information pour la plupart déjà répertoriés. De même, les chercheurs prenaient le plus souvent la parole face à un public non professionnel dans des circonstances plutôt cadrées : interviews déférentes pour célébrer un résultat ou un équipement, intervention pour encourager des donations, fête de la science, interventions en milieu scolaire… Aujourd’hui, les formats des prises de parole publiques se sont multipliés et les chercheurs peuvent être confrontés à des attentes plus pressantes des médias, du public – voire à des déceptions ou à des doutes. Les institutions peuvent alors être directement interpellées, parfois sommées de réagir aux interventions de leurs chercheurs. 

Comment les établissements, dans leur diversité, abordent-ils ces situations ? De quelles bases légales, réglementaires, historiques disposent-ils pour définir leurs actions ?  Quels arbitrages font-ils entre le soutien aux libres débats scientifiques et la crainte d’atteinte de l’image de l’institution ? Quelles responsabilités pensent-ils avoir dans la qualité du débat public, la démocratisation des connaissances nouvelles, le niveau d’information des citoyens … et les prises de parole de leurs chercheurs ? En regard, quelles attentes les chercheurs ont-ils vis-à-vis de l’institution, en tant qu’acteur social et en tant qu’employeur ? Quelles informations, quel soutien en attendent-ils ?

Présidente de séance : Ghislaine Filliatreau, référente à l’intégrité scientifique de l’Inserm

  • Tâm Mignot, directeur de recherche en biologie, CNRS/Aix‐Marseille Université
  • Denis Guthleben, ingénieur de recherche, membre du Comité pour l’histoire du CNRS: « L’articulation des paroles dans l’histoire du CNRS… et avant« 
  • Augustin Fragnière, coordinateur de la commission « Recherche et engagement  » de  l’université de Lausanne: « Qu’est-ce qu’une université engagée ? Retour sur les réflexions menées à l’Université de Lausanne« 

Session de clôture : Perspectives d’action

Modération : Christine Noiville, directrice de recherche au CNRS, présidente du COMETS

  • Emmanuel Didier, directeur de recherche au CNRS, membre du CCNE
  • Eric Guilyardi, directeur de recherche, membre du COMETS
  • Pierre Ouzoulias, sénateur, membre de l’OPECST
  • Marie-Aude Vitrani, vice-présidente Vie institutionnelle et démarche participative, Sorbonne Université